Si vous avez lu L’eau du Léthé et La nuit des sorcières, c’est sans doute parce que vous avez craqué pour leurs superbes couvertures ! Toutes deux ont été réalisées par le même illustrateur, Daniel Balage, que je vous invite aujourd’hui à découvrir à travers l’interview ci-dessous.
1. Bonjour, Daniel ! Merci d’avoir accepté de répondre à mes questions ! 🙂
C’est un plaisir pour moi de t’interviewer, car j’apprécie beaucoup le travail que tu as fait jusqu’à maintenant sur ma série Le Peuple Invisible.
Peux-tu nous parler un peu de ton parcours ?
Bonjour Anaïs. Merci de l’intérêt que tu portes à mon travail.
Mon parcours est un peu atypique dans l’illustration. J’ai fait les Beaux-Arts de Lyon qui était plutôt une école d’art conceptuel, puis j’ai travaillé assez vite pour le jeu vidéo. Je réalisais des illustrations et des décors en technique traditionnelle pour Infogramme qui étaient ensuite scannés. Je suis peu à peu passé à l’infographie comme toute la profession.
J’ai ensuite intégré les entreprises de jeu vidéo où j’ai travaillé longtemps, mais presque exclusivement en 2D, texture, storyboard, conceptart, puis direction artistique. Je travaille actuellement dans un studio de réalité virtuelle.
2. En dehors de mes romans, tu as réalisé d’autres couvertures pour les éditions Nestiveqnen (pour l’auteur Paul Martin Gal). Comment est né ce partenariat ?
J’avais envie de revenir à l’illustration, c’est pour cette raison que j’ai contacté des éditeurs qui m’ont ensuite mis en relation avec les auteurs.
3. J’imagine que tu n’as pas nécessairement le temps de lire un livre avant d’en réaliser la couverture. Comment travailles-tu dans ce cas-là ? Comment arrives-tu à te projeter dans l’univers de l’auteur ?
Souvent je ne lis le livre qu’après. On me fournit un résumé et le passage à illustrer. Il faut parler un peu avec l’auteur pour comprendre ce qu’il veut faire passer. J’essaie de l’influencer sur le choix de l’épisode le plus graphique. Souvent l’auteur veut trop mettre d’informations, une bonne couverture doit être simple, attirante et très lisible.
4. Si je ne me trompe pas, tu as travaillé la couverture de La nuit des sorcières en digital painting (c’est-à-dire, pour les néophytes, en dessinant directement sur ordinateur ou tablette graphique). Pourquoi ce choix ? Est-ce que c’est une technique habituelle pour toi ou est-ce qu’il t’arrive aussi de travailler avec le bon vieux crayon/papier ?
C’est ma technique la plus classique. Un mélange de dessin, de texture et de photo. Je garde le papier pour réfléchir. Il n’y a rien de tel pour penser le design d’objets, de monstres ou de personnages. Les décors nécessitent moins de tracé et plus d’ambiance, de matière et de lumière. Je travaille directement en masse et donc en infographie, c’est bien plus rapide.
5. Sur les couvertures que tu as pu faire pour les Editions Nestiveqnen, on remarque un grand sens du détail, avec des images fouillées et des couleurs riches. Comment as-tu développé ce style ? Est-ce que tu as des sources d’inspiration précises ?
C’est le style que j’ai développé pour le jeu vidéo. Un conceptart doit être très fidèle à ce que le joueur pourra voir à la fin. Les artistes 3D ont besoin d’une grande précision de détail. Sinon cela multiplie les aller-retours et fait perdre du temps. Pour l’inspiration, si j’ai une idée précise qui me vient à la lecture, je pars dessus. Sinon, je fouille ma bibliothèque d’images pour trouver des idées.
6. Tu ne fais pas seulement des couvertures, mais tu travailles également dans l’univers du jeu vidéo avec des titres aussi connus qu’Alone in the dark ou Assassin’s Creed. J’imagine que c’est une toute autre façon d’aborder ton métier. Comment travaille-t-on en équipe quand on est illustrateur ?
Le jeu vidéo est d’abord une industrie. J’ai changé pas mal de fois de travail à l’intérieur de ces sociétés. Il est souvent très parcellisé et l’on a une tâche précise à effectuer avec une marge de manœuvre assez faible si on est simple graphiste. Quand on devient lead, il y a plus de création, mais il faut manager son équipe. Là encore on reste dans un registre serré : lumière, décors, character (personnage), gameplay, etc. C’est un travail très itératif avec énormément de contraintes de tout ordre. La direction artistique concentre la création, mais il faut intégrer toutes les contraintes, économiques, techniques et de gameplay en amont avant de proposer une vision qui respecte le sens de l’expérience. Si le jeu est un triple A, alors les équipes sont très grosses et même le directeur artistique doit déléguer énormément de choses. Finalement la meilleure place, c’est concept artiste. C’est ce qui s’approche le plus de l’illustration.
7. Tu as également collaboré aux illustrations du jeu de plateau Room25 édité chez Matagot. Comment travaille-t-on sur un jeu de société en tant qu’illustrateur ? Qu’est-ce qui te plaît dans ce type de collaboration ?
C’est le même principe que pour un livre. Proposer un visuel d’un monde imaginaire. Et j’aime bien changer de domaine. Mais je le conseille et pas parce que j’ai fait les illustrations ! C’est un très bon jeu.
8. Il y a une quinzaine d’années, tu as même tâté de la bande-dessinée avec le scénariste Fred Weytens pour les albums Mambo Marcel et Tango pour un Berliet. Comment as-tu vécu cette expérience ? Est-ce que la BD est un graal pour un illustrateur ?
Je connais Fred depuis longtemps, il était scénariste de jeu vidéo à ce moment. C’est lui qui m’a proposé ces scénarios. J’avais fait des essais mais toujours refusé par les éditeurs. La BD était un rêve de gosse pour moi, j’étais très heureux de le réaliser. Pour moi c’était effectivement un graal, mais ce n’est pas forcément le cas pour tout le monde. Malheureusement la BD est un secteur en difficulté où il est vraiment difficile de gagner sa vie. Les seules opportunités qui m’étaient proposées étaient de faire du travail de commande qui ne m’intéressait pas ou de faire ce que j’aimais mais sans pouvoir en vivre. C’est un métier trop chronophage pour faire ça le dimanche, j’ai préféré continuer dans ma voie où j’avais plus d’opportunités.
9. Quels sont tes projets côté illustration ? De nouvelles parutions à venir ?
Oui, je travaille sur une couverture pour Mathieu Gaborit, pour lequel j’ai déjà fait deux couvertures La cité exsangue tome 2, éditions Mnémos. C’est la suite de son roman Abyme qui développe un univers vraiment intéressant.
10. Et enfin, le mot de la fin : quelle est ta devise en tant qu’illustrateur ?
Finir dans les temps ! Non, ça c’est la devise des éditeurs… Alors : faut que ça claque ! Comprenne qui pourra.
Merci d’avoir répondu à mes questions ! 🙂
Retrouvez Daniel Balage sur sa page conceptartworld.