Une fois n’est pas coutume, je souhaite vous parler aujourd’hui d’un roman autoédité, Borderline de Zoë Hababou. C’est le premier tome d’une série et il est sous-titré Niveau -2 : les souterrains. Une précision mystérieuse et qui, en même temps, correspond bien au livre, comme vous le verrez !
En dépit du fait que je suis moi-même autoéditée et même si je m’efforce de surmonter ces clichés, j’avoue que je partage avec le grand public une certaine méfiance vis-à-vis de l’autoédition. Puisque n’importe quel écrivain ou pseudo-écrivain y a accès, ne doit-on pas s’attendre à ce que ces romans soient moins bons ? N’est-ce pas la solution de facilité pour ceux qui sont refusés par les maisons d’édition ?
Bon, déjà je suis bien placée pour vous dire que ça n’a rien de facile et surtout, il y a certes un tri à faire, mais on trouve également des pépites en autoédition et des romans qui valent largement ceux qui sont publiés par les éditeurs. C’est le cas de ce roman original, intriguant et prenant que je vous invite à découvrir !
Borderline, tome 1
Le résumé :
Avez-vous jamais rêvé d’être libre ?
Le récit hallucinatoire d’un jeune marginal en quête de sens.
On ne sait quasiment rien de Travis lorsqu’il commence à dévoiler son histoire et à laisser peu à peu faire surface les démons qui l’habitent. Ces démons, lui-même semble les découvrir alors qu’il revient, d’une manière aussi erratique que l’est son esprit, sur les chapitres de sa vie.
Qu’advient-il d’un Homme qui fait le choix de tracer sa propre route au sein d’un monde étouffé de conformisme ?
Dans ce premier tome d’une saga qui s’annonce pleine de psychédélisme, de causticité et de philosophie, l’auteure nous livre le récit poignant d’un jeune homme qui n’a jamais cessé de lutter pour trouver ses propres valeurs et imposer aux autres sa vision de la liberté. Flashbacks, réflexions, rêves et pensées s’entremêlent en une fresque qui dévoile peu à peu son existence d’écorché vif.
Borderline est une errance métaphysique qui se vit à la fois comme une psychose hallucinatoire et une invitation à la pleine conscience, à travers le prisme du chamanisme amazonien.
Les tribulations de Travis, véritable psychothérapie rock’n’roll, un voyage spirituel cinglant et formateur dont personne ne sortira indemne ! Oserez-vous tenter l’expérience la plus BORDERLINE de votre vie ?
L’extrait :
Parfois, je me dis que c’est parce que la société dans laquelle on vivait n’offrait pas de réels rites de passage qu’on en est arrivés là. A mettre en place les nôtres. A organiser par nous-mêmes notre propre parcours initiatique. C’était pas comme ça dans les sociétés primitives. Là-bas, on t’offrait carrément un cadre sacré et structuré pour vivre la transition entre l’enfance et le fait de devenir un Homme ou un guerrier. Et même si t’en avais pas franchement envie, et que ça s’approchait limite de la torture sanguinaire, bah fallait que t’y passes. C’était comme une sorte de mort symbolique, un passage d’un état à l’autre, une transition vers plus de sagesse.
Mon avis :
Je vais être honnête : ce n’est pas la couverture qui m’a amenée vers ce livre, ni même le résumé. J’en entends parler sur Twitter depuis un moment et s’il a éveillé en partie ma curiosité, ce qui m’a vraiment motivée à passer à l’achat, c’est la lecture de plusieurs articles du blog de Zoë Hababou. Ces articles m’ont convaincue que, d’une part, j’aimais sa manière d’écrire et que, d’autre part, je trouvais intéressant ce qu’elle avait à dire. J’ai donc fini par me lancer et je ne le regrette pas !
Comme son nom l’indique, Borderline nous plonge dans la personnalité atypique et très tourmentée de Travis. Ne vous attendez pas ici à une structure classique et linéaire : le narrateur est plongé dans une grande détresse mentale et le texte suit les cahots de son esprit, avec des flashbacks, un récit éclaté de son passé, des pensées qui se mélangent. Malgré cette plongée dans des méandres labyrinthiques (vous comprenez mieux le sous-titre maintenant !), Zoë Hababou parvient à ne pas perdre le lecteur, à conserver son attention et à lui faire entrevoir le parcours de Travis par touches très parlantes. Pas d’inquiétudes à avoir donc : il n’y a qu’à se laisser porter pour voir le récit se déployer peu à peu.
Outre cette construction singulière, adaptée et parfaitement maîtrisée, Borderline aborde de nombreux sujets qui interrogeront tous les lecteurs : comment se construire face à la violence ordinaire du monde, comment trouver sa place dans une société qui ne nous convient pas, comment se rebeller et faire face aux conséquences de cette rébellion, mais aussi comment surmonter un deuil, s’accepter, se dépasser, aller chercher au fond de soi sa propre vérité… Pour répondre à toutes ces questions, Travis nous parle non seulement de son passé, mais aussi de l’expérience qu’il est en train de vivre dans une jungle mystérieuse où il a fait la rencontre d’un chaman qui l’initie aux secrets de l’ayahuasca (pour ceux qui ne connaissent pas, l’ayahuasca est une plante hallucinogène utilisée pour entrer en transe par certains chamans d’Amérique Latine).
J’ai beaucoup aimé les quelques descriptions autour de la jungle, de l’ayahuasca, du chamanisme et de ces régions d’Amérique Latine que Travis traverse dans son errance, mais c’est aussi là que le roman pêche pour moi : il manque un ancrage dans le réel. J’ignore si c’est parce que Travis est dans une grande confusion et si ce sera davantage développé par la suite, mais dans ce premier tome, Zoë Hababou a fait le choix de ne citer aucun nom de pays, de ville, ni même de région. Tout, ou presque, reste suggéré et je trouve que c’est très dommage, parce que ça donne l’impression que le roman est détaché de la réalité, alors qu’il aurait parfaitement pu y trouver sa place avec davantage de précisions. Pour moi qui suis quelqu’un de très pragmatique, il manque ce relief géographique qui m’aurait rendu l’histoire bien plus proche (même si je ne connais pas ces pays, même si ces noms avaient été inventés).
Cela m’a également dérangée lorsque Travis aborde son passé : on comprend qu’il a grandi aux États-Unis, mais sans plus de précisions sur les lieux ou même l’époque exacte. Ce manque d’intégration dans une temporalité et une géographie réelles est pour moi la seule véritable faiblesse du livre. Davantage d’ancrage aurait donné encore plus de force à son propos, en nous renvoyant l’image de notre monde de manière plus percutante. A mon sens, le meilleur moyen d’atteindre à l’universel est de se pencher sur le très particulier. Mais c’est mon opinion et tout le monde ne le ressentira sans doute pas de la même manière. ^^
Les questions que soulèvent le livre et l’écho qu’elles peuvent trouver en chacun de nous restent toutefois très intéressants et nous poussent à nous pencher sur nos propres choix et notre propre place dans la société. Certes nous ne sommes pas tous des écorchés vifs comme Travis, mais nous sommes tous confrontés à des choses qui nous déplaisent et ce personnage nous incite à nous interroger sur la manière dont nous nous positionnons par rapport à ça. Sommes-nous réellement libres ? Qu’est-ce que la liberté ? Que sommes-nous prêts à faire pour l’obtenir ?
Enfin, dernier point positif et non des moindres : Borderline est très bien écrit. Le style de Zoë Hababou est agréable à lire et elle a su donner une voix singulière à son narrateur. Les pages se tournent toutes seules et j’ai passé un bon moment de lecture. D’ailleurs une fois arrivée à la fin, j’aurais volontiers enchaîné avec la suite ! Celle-ci étant d’ores et déjà disponible (4 tomes sont parus en tout, dont un en deux parties), ça ne tardera sans doute pas ! 🙂
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