De l’importance de lire pour écrire

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Je ne suis pas quelqu’un de dogmatique et je suis toujours prête à admettre des exceptions, mais il y a une chose sur laquelle il me semble impossible de transiger : on ne peut pas être un bon écrivain si on ne lit pas. Comment manier la langue de manière non seulement efficace mais aussi esthétique si on ne la fréquente pas assidument, si on ne la connait pas intimement, si on n’en comprend pas les mécanismes de manière profonde ?

C’est d’autant plus vrai que pour moi, la langue orale et la langue écrite sont deux choses différentes. Je ne parle pas du tout de la même manière que j’écris et il en va de même de la plupart d’entre nous. En conséquence, même si nous utilisons la langue française chaque jour dans nos échanges sociaux, cela ne nous donne pas la compétence pour l’écrire de manière adéquate. Il suffit de lire quelques publications (en ligne, professionnelles, privées…) pour s’en apercevoir. Et si nous apprenons tous à parler de manière naturelle, parce que nous baignons dans le langage oral, il nous appartient d’apprendre à écrire de la même manière, en nous plongeant dans le grand bain des livres.

Dans son très intéressant Écriture, Mémoires d’un métier, Stephen King insiste très fortement sur l’importance de lire pour un auteur en devenir (ou accompli comme lui-même !). C’est d’ailleurs une des choses qui m’a le plus marquée dans son ouvrage, sans doute parce que cela venait confirmer ce que, instinctivement, je pensais déjà. En ce qui me concerne, je lis environ deux livres par semaine (cela peut varier selon l’épaisseur et la difficulté des livres en question) et c’est un rythme que je suis quasiment depuis que j’ai appris à lire. Oui, c’est beaucoup. Est-ce que je me souviens de tous les livres que j’ai lus ? Non, absolument pas, et d’autant moins que certains étaient tout à fait oubliables. Mais d’une manière ou d’une autre ils m’ont tous imprégnée et m’ont tous aidée à me construire, en tant que lectrice et en tant qu’autrice.

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Il en va de l’art comme des sciences : nous sommes tous assis sur les épaules de nos prédécesseurs. Et, de la même manière que les physiciens se plongent dans les théories d’Einstein ou Newton ou que les peintres étudient Rembrandt ou Van Gogh, il est essentiel pour un écrivain de partir à la découverte des talents qui l’ont précédé ou qui lui sont contemporains. Je ne veux pas dire par là qu’il faut les étudier comme on le ferait dans un cadre universitaire (je ne l’ai pas fait !), mais qu’il est nécessaire de partir à leur rencontre et de s’y confronter, quitte à les rejeter ensuite.

Il ne s’agit pas d’aimer ces auteurs. Je peux comprendre qu’on ait des difficultés avec Proust ou Umberto Eco ; en ce qui me concerne, par exemple, je ne suis pas arrivée à la moitié du Ulysse de James Joyce que j’ai pourtant vu plusieurs fois classé parmi les livres incontournables. Le but n’est pas de se forcer à quoi que ce soit, mais tout simplement de voir ce qui existe, d’y goûter et de s’en faire un avis éclairé. Vous détestez les circonvolutions interminables des phrases de Proust en tant lecteur ? Voilà qui va vous rendre attentif à épurer votre propre style en tant qu’auteur ! Mais comment pourriez-vous avoir une telle réflexion sans jamais avoir ouvert La Recherche du Temps Perdu ?

Les auteurs que je cite ici sont des classiques reconnus, mais il importe de lire toutes sortes d’auteurs, de toutes les époques et de tous les genres, pour se confronter à la plus grande variété de styles possibles. La littérature est comme n’importe quel autre domaine : plus on accumule de connaissances et plus on peut enrichir ses réflexions. En revanche, lire des classiques a un avantage : en général, le temps a fait son œuvre et a écrémé les médiocrités de l’époque en question pour n’en garder que le meilleur. Et lire le meilleur, constater de vous-même comment écrit un grand maître, vous rendra beaucoup plus exigeant, envers les autres auteurs et envers vous-même en tant qu’écrivain. Et l’exigence (qui n’est pas l’intransigeance, je le précise) mène à la qualité.

Petit aparté concernant les classiques. Ils font parfois peur, on n’ose pas se lancer dedans par crainte de ne pas tout comprendre ou de s’ennuyer… Au diable toutes ces barrières ! Pour l’anecdote, j’ai lu Notre-Dame de Paris de Victor Hugo quand j’avais 11 ou 12 ans, à une époque où j’étais véritablement boulimique de lecture, plus encore que maintenant. Certains penseraient sans doute que c’était trop jeune pour un livre de cette envergure ; je leur donnerais tort. Je n’ai pas compris chaque mot utilisé (après tout, mon vocabulaire aussi n’avait que 11 ans !), j’ai même sauté les passages de descriptions de la cathédrale qui m’ennuyaient beaucoup ; et malgré tout ça, j’ai adoré ce livre. Il a tellement enflammé mon imagination que, sans l’avoir relu depuis, je me souviens encore aujourd’hui de certaines scènes ! Et il en va de même quand je lis un livre d’Umberto Eco, qui nécessite tout même une sacrée culture générale pour en saisir toutes les références. Je ne comprends pas tout ? Tant pis, ça ne m’empêche pas d’apprécier l’histoire, de m’imprégner du vocabulaire et, inconsciemment, d’engranger de nouvelles façons de raconter.

Car au bout du compte, c’est à cela que l’on peut distinguer un lecteur d’un lecteur/auteur. Le lecteur va s’enrichir lui aussi au contact du livre, mais il ne va pas forcément avoir besoin de puiser ensuite dans ces richesses. Pour un auteur, ce sera indispensable. Lire est la meilleure des nourritures pour un esprit d’écrivain sur de nombreux plans et le premier d’entre eux est l’imagination.

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Comment avoir de l’imagination ? En ayant de la curiosité et donc de la culture. Plus on connait de choses, plus notre esprit peut s’amuser à les combiner différemment, à les reforger à sa guise, à en inférer des nouveautés. Et quel est le meilleur moyen de se cultiver ? Lire. Je ne suis pas contre les reportages d’Arte (au contraire !), ni contre les expositions (au contraire bis !), ni même contre certains films, mais l’immense majorité de ma culture générale provient des livres. Et je ne parle pas d’essais, mais bien de romans. Un livre a toujours un contexte qui, s’il est correctement développé, permet d’apprendre des choses. Oui oui, même un roman de fantasy qui n’a rien à voir avec notre monde : vous deviendrez par exemple incollable sur les armes médiévales ou vous aurez une perspective nouvelle sur ce que peut être l’amour pour des créatures non humaines. La moindre anecdote, historique, géographique, sociologique, peut créer l’étincelle qui donnera naissance à un nouveau roman. Mais si on n’a pas la curiosité d’aller chercher ces anecdotes, alors il n’y a pas d’étincelle possible…

Lire est indispensable également pour acquérir du vocabulaire (mais aussi améliorer sa syntaxe, voire sa grammaire). Certes, nous possédons tous un vocabulaire de base qui nous permet, tant bien que mal, de communiquer au quotidien. Mais ce n’est pas suffisant. Plus votre vocabulaire sera étendu, plus votre pensée sera riche et nuancée et meilleurs seront vos travaux écrits. Et pour cela, il n’est pas forcément nécessaire de lire avec un dictionnaire à côté de soi. En ce qui me concerne, j’interromps rarement ma lecture pour aller consulter une définition quand je tombe sur un mot inconnu. En général, le contexte me renseigne suffisamment et il n’y a que lorsqu’une phrase est vraiment très obscure que je me résous à vérifier une définition. Mais le simple fait d’avoir réalisé un infime effort de réflexion va inscrire ce mot dans mon cerveau et lorsque je le rencontrerai à nouveau, je vais pouvoir affiner son sens, jusqu’à le maîtriser complètement. Et tout ça, juste en lisant.

Vous l’aurez compris, je crois beaucoup à l’imprégnation et au fait qu’elle permet d’acquérir des compétences de manière naturelle et indolore, simplement en faisant quelque chose de divertissant comme lire. C’est valable également pour les structures narratives. J’ai lu quelques ouvrages sur la meilleure manière d’écrire un scénario ou un roman, j’ai même pris quelques cours, mais en toute honnêteté, ils ne m’ont rien apporté de fondamental, en tout cas rien que je n’avais pas déjà inconsciemment appris par le biais de la lecture. Au contraire, j’ai tendance à me méfier des carcans que ce genre de théories impose et qui produisent des histoires toutes structurées exactement de la même façon. Les Américains sont les spécialistes de ces « méthodes » et il suffit de regarder quelques-uns de leurs films ou séries pour se convaincre que les méthodes n’ont pas que du bon : la plupart de ces « œuvres » sont entièrement prévisibles dès les dix premières minutes… Les romans offrent une variété infiniment plus grande d’approches structurelles et c’est en eux qu’il faut puiser ses techniques et construire sa propre méthode, tout simplement en piochant chez les uns et les autres les aspects que l’on a appréciés.

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(c) Image par Mystic Art Design de Pixabay

Vous l’aurez compris, la lecture est pour moi la meilleure des formations concernant trois des valeurs cardinales de l’écriture : l’imagination, la langue et les structures narratives. C’est une activité qui enrichit notre pensée d’une manière unique et indispensable… tout en restant merveilleusement agréable ! Alors si vous voulez écrire, lisez, lisez et lisez encore ! 😉

3 réflexions au sujet de “De l’importance de lire pour écrire”

    • Je pense que c’est pareil pour n’importe quel auteur : nous sommes la somme de nos influences. 😉 Et plus il y a d’influences, plus la somme est potentiellement riche. ^^

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