Je vous invite aujourd’hui à découvrir le roman Quitter les monts d’Automne d’Émilie Querbalec qui est paru en septembre 2020 chez Albin Michel Imaginaire. Cela fait déjà quelques mois que j’entends parler de ce roman de manière très positive. Autant dire que lorsque j’ai eu le plaisir de le voir apparaître dans les rayonnages de ma médiathèque, j’ai sauté dessus avec gourmandise ! Et comme vous allez le voir, je n’ai pas été déçue. 🙂
Et pour ne pas changer les bonnes habitudes, une interview de l’autrice paraîtra la semaine prochaine afin de vous plonger dans les coulisses de cette belle création !
Quitter les monts d’Automne
Le résumé :
Recueillie par sa grand-mère après la mort de ses parents, la jeune Kaori vit dans les monts d’Automne où elle se destine à être conteuse. Sur Tasai, comme partout dans les mondes du Flux, l’écriture est interdite. Seule la tradition du « Dit » fait vivre la mémoire de l’humanité. Mais le Dit se refuse à Kaori et la jeune fille se voit dirigée vers une carrière de danseuse. Lorsque sa grand-mère meurt, Kaori hérite d’un rouleau de calligraphie, objet tabou par excellence, dont la seule détention pourrait lui valoir une condamnation à mort. Pour percer les secrets de cet objet, mais aussi le mystère qui entoure la disparition de ses parents, elle devra quitter les monts d’Automne et rejoindre la capitale. Sa quête de vérité la mènera encore plus loin, très loin de chez elle.
Débutant comme un roman initiatique d’inspiration japonaise, Quitter les monts d’Automne s’impose vite comme un récit d’aventure qui frappe d’abord par sa beauté et sa poésie, puis par sa cruauté et son érotisme subtil.
L’extrait :
Les histoires sont comme les nuages : on a beau vouloir les saisir, elles finissent toujours par s’effilocher au vent. Mais elles ne disparaissent pas. Elles restent là, cachées sous les voiles invisibles du Flux, près de nous, prêtes à renaître au moindre souffle.
Un jour de l’an 13111 du calendrier A.S, peu après les dernières ondées de la saison des pluies, un homme se présenta à la maison d’hôte où nous séjournions. J’avais alors dix ans, et je venais d’entrer dans ma quatrième année d’apprentissage comme danseuse.
Mon avis :
Quitter les monts d’Automne est un roman initiatique, celui d’une jeune femme qui cherche à comprendre non seulement l’étrange héritage laissé par sa grand-mère, mais aussi son passé et même le monde dans lequel elle vit. Si le thème est relativement classique, il prend peu à peu de l’ampleur au fil du roman, lorsque Kaori se rend compte qu’elle n’est pas la seule à être concernée par les secrets qui règnent sur son existence.
J’avoue qu’en tant qu’autrice et lectrice acharnée, j’ai été très intriguée par l’idée d’un monde où l’écriture est interdite et se trouve remplacée par une forme de tradition orale. Ce mode de transmission, où la mémoire joue un rôle essentiel, est joliment abordé par Emilie Querbalec et invite immanquablement à la réflexion, même si j’ai été moins convaincue par les explications finales sur le pourquoi de cette interdiction de l’écriture. Malgré ce bémol, la description des conteurs et de leur art mérite le détour et le travail sur les questions de mémoire est très intéressant.
Pour être honnête, la culture traditionnelle japonaise ne m’attire pas particulièrement et je la connais assez mal. Toutefois, aux rares occasions où j’ai pu m’y frotter, j’y ai perçu cette esthétique très particulière que j’ai retrouvée avec plaisir dans le récit d’Emilie Querbalec. Elle-même née au Japon, l’autrice déploie dans la première partie de son récit tout un monde japonisant, codifié à l’extrême, à la fois beau et d’une grande violence sous-jacente. On retrouve tout au long de l’histoire une forme de lenteur (qui n’en est pas vraiment, il s’agit plutôt de prendre le temps de poser les choses, comme dans un rituel ancestral), de poésie et de brutalité qui s’associe parfaitement à la manière dont j’imagine ce Japon quasi médiéval. Cela se ressent non seulement dans les rebondissements du récit, mais jusque dans le style même de l’autrice qui est d’un rare raffinement.
Je n’ai pas forcément accroché à tous les aspects de l’histoire (j’ai eu plus de mal avec le dernier tiers du livre, notamment la toute fin), mais c’est tellement bien écrit, chaque phrase est un tel plaisir de lecture que j’ai dévoré ce roman en deux jours. Le style d’Emilie Querbalec mérite à lui tout seul qu’on lise son livre, d’une grande délicatesse sans affectation, à la fois sobre et poétique, juste, précis, superbe. Un vrai bonheur dans tous les domaines du récit : dialogues, descriptions, explications de divers phénomènes, réflexions intimes ou philosophiques… Chaque phrase est ciselée et je dois dire que je suis très admirative du travail de l’autrice.
Bref, c’est un livre que je recommande ! En commençant dans un univers qui évoque presque la fantasy (Tasai n’est pas un monde très évolué technologiquement) avant de déployer peu à peu ses aspects SF, Quitter les monts d’Automne est parfait pour découvrir le genre en douceur et nous invite à bien des réflexions. Mais surtout, c’est un roman remarquablement bien écrit, qui fait oublier avec élégance la pauvreté stylistique de certains auteurs « connus » ! (non, je ne citerai pas de noms ;))