Je vous ai expliqué dans cet article pourquoi j’estimais qu’il était essentiel de lire pour un auteur ou une autrice et je vous ai ensuite parlé des romans de Sherlock Holmes qui ont eu une grande influence sur moi. Il est temps de vous présenter un autre roman qui a eu un impact majeur sur l’autrice que je suis devenue : American Gods de Neil Gaiman.
Pour ceux qui ne connaissent pas ce livre absolument culte et que je recommande vivement, je vous remets le résumé (c’est celui de l’édition de poche J’ai Lu disponible actuellement) :
À peine sorti de prison, Ombre rencontre Voyageur, un personnage intrigant. Dieu antique, comme le suggèrent les indices énigmatiques qu’il sème à longueur de temps, fou furieux ou bien simple arnaqueur ? En quoi consiste le travail qu’il propose à Ombre ? En acceptant d’entrer à son service, ce dernier plonge au cœur d’un conflit qui le dépasse, opposant héros mythologiques de l’Ancien Monde et nouvelles idoles profanes de l’Amérique. Mais comment savoir qui tire véritablement les ficelles : ces entités légendaires saxonnes issues de l’aube des temps ou les puissances du consumérisme et de la technologie ? À moins que ce ne soit le mystérieux M. Monde…
J’ai rencontré American Gods au moment de sa sortie en poche, il y a pas loin de vingt ans en arrière. J’ai toujours adoré le fantastique, la mythologie (nordique en particulier), les personnages roublards, l’aventure, les réflexions sociétales cachées sous les paillettes de l’imagination, les retournements inattendus… Et comme il y a tout ça et plus encore dans American Gods, forcément il a directement rejoint mon panthéon de lectrice. Mais au-delà de ça, c’est un roman qui a vraiment marqué une étape dans ma façon d’envisager l’écriture.
Comme je le disais, j’apprécie beaucoup la mythologie. Après tout, si on parcourt toutes les mythologies du monde, on obtient le berceau de quasiment toutes les grandes histoires. Mais, croyez-le ou non, il ne m’était jamais venu à l’esprit qu’on pouvait combiner à la fois la mythologie et le monde actuel, l’imaginaire mythologique sans limites et le réalisme le plus complet. Quand j’ai reposé American Gods, je me suis dit : « Wahou, on a le droit de faire ça en fait ? Mais je veux écrire la même chose ! » Je sais, je sais, ça fait sourire et pourtant c’est exactement ce que l’autrice de vingt ans que j’étais a ressenti. 😉
American Gods a marqué un énorme tournant pour moi, parce qu’il m’a libérée d’un certain nombre de barrières que je me mettais inconsciemment. Ce n’était pourtant pas ma première incursion dans la « pop culture », ni le premier roman fantastique très travaillé que je lisais, mais, allez savoir pourquoi, celui-ci a été à l’origine d’un déclic essentiel pour moi. Sans American Gods, il n’y aurait jamais eu La Mer des Songes, L’eau du Léthé ou d’autres de mes livres qui n’ont pas (encore) été publiés.
Quand je vous disais que la lecture est fondamentale pour un écrivain… Et plus encore, la curiosité de lire des livres aussi variés que possible, de sortir de sa zone de confort, de se laisser embarquer même quand on ne s’y attend pas, d’ouvrir ses horizons et en même temps son esprit, son inspiration, son imagination… Et de se reposer sur les épaules de ses prédécesseurs.
J’éprouve de la reconnaissance envers Neil Gaiman, tout simplement parce que ses livres m’ont montré qu’il était possible de raconter ce genre d’histoires. Ça ne veut pas dire que je vais écrire la même chose ou faire du sous-American Gods, ce n’est certainement pas le but, mais ça a donné une certaine forme de légitimité à ces récits un peu fous qui me trottaient dans la tête. Certains n’ont sans doute pas besoin de cette légitimité, mais pour la jeune autrice que j’étais alors, ça a été décisif.
En outre, American Gods est un roman ambitieux qui a le mérite de prouver qu’il est parfaitement possible de faire coïncider imagination débridée et réflexion profonde. Oui, on peut écrire des bouquins complètement fous et en même temps parler de l’humanité de manière remarquable (parce que finalement, que sont les Dieux sinon des humains sous un autre déguisement ?). Oui, vraiment, voilà un livre qui incite à donner le meilleur de soi-même quand on écrit de l’imaginaire, à aller chercher plus loin que les histoires basiques, à viser plus haut, parce que Neil Gaiman l’a fait, parce que c’est possible et que quand c’est réussi, c’est juste génial.
Je ne sais pas si j’arriverai à écrire un jour un livre du niveau d’American Gods, mais ce qui est clair, c’est qu’il s’agit d’un roman qui nourrit mes ambitions et mes désirs d’autrice, même après toutes ces années. Comme quoi, on ne sait jamais ce qui peut se passer lorsque l’on ouvre un livre… 😉